
Arrivé chez Metro en 2013, Pascal Peltier a gravi les échelons jusqu’à prendre la direction du premier fournisseur français de la restauration. Passionné par le produit et le commerce en général, cet homme de communication revient pour nous sur les résultats 2022 ainsi que sur les grands enjeux du groupe pour les prochaines années.
Jeune, vous rêviez de quelle carrière ?
Pascal Peltier, PDG Metro France : Je voulais être ébéniste, j’ai gardé cette passion pour les beaux meubles et les bons produits. Ensuite, lorsque j’ai démarré mes études, je voulais travailler dans les RH et j’étais attiré par l’animation et le développement des équipes. Assez vite, je me suis pris de passion pour le marketing et le commerce en général.
Vous avez démarré chez l’industriel ?
P. P. : Oui, chez Heineken en 1994. À Lille, je visitais la GMS pour commercialiser les produits de l’entreprise avant d’intégrer l’équipe marketing France de 95 à 2004. Durant cette période, j’ai géré des marques locales (33 Export, Panach’) et internationales (Heineken, Amstel). J’ai été aussi responsable de l’innovation, m’occupant du développement des produits et des packagings, ce qui m’a beaucoup marqué. On travaillait sur la création de nouvelles bières, des emballages : c’est le fil rouge de ma carrière, je m’intéresse beaucoup au produit…
En 2004, vous vous tournez vers le commerce ?
P. P. : Oui, en devenant compte clé, je négociais avec des enseignes nationales comme Carrefour, Système U… ou Metro ! L’aspect négociation est difficile mais très utile car, finalement, on doit vendre et négocier toute sa vie. En 2009, j’ai rejoint la filiale suisse d’Heineken en tant que directeur du marketing jusqu’en 2013.
C’est alors que Metro vous contacte pour intégrer le groupe ?
P. P. : J’avais le projet de rentrer en France, donc leur offre tombait à pic, je suis entré en tant que directeur du marketing. Chez Metro, j’ai retrouvé des valeurs proches de celles d’Heineken, la passion du produit et du client et des équipes vraiment enthousiasmantes. 4 ans après, j’ai été promu directeur des opérations et des ventes avant de prendre la direction générale de Metro France en janvier 2021.
C’est quoi la Pascal Peltier touch ?
P. P. : Je crois que j’ai une bonne capacité à projeter l’entreprise dans le futur mais surtout à embarquer les équipes sur les projets de développement. C’est ma force numéro un. Aujourd’hui Metro est une belle marque toujours à développer, il faut être convaincant auprès de nos clients, mais aussi des fédérations, des institutionnels, des médias, pour lesquels la marque Metro doit être toujours plus attractive. Notre offre doit être pertinente et derrière il est important de la valoriser. Pendant longtemps, nous étions plus dans le « faire » que dans le « dire ». Ma mission est entre autres de mettre en lumière tout le travail des équipes pour réussir à proposer le meilleur assortiment du marché – c’est ce qui se dit– avec un positionnement prix compétitif et des services uniques.
Ces atouts ont permis à Metro de tirer son épingle du jeu malgré la crise sanitaire ?
P. P. : Oui, nos performances ont été très supérieures à celles de 2019 car nous avons terminé à 5,060 milliards d’euros dont 4,015 milliards en RHD (période de juin 2022 à mai 2023) contre 4,3 milliards en 2019. Pour rappel, depuis la dernière vague Omicron de janvier 2022, le marché de la restauration a renoué avec la croissance grâce à une bonne tenue du tourisme et au retour des flux professionnels. On observe aussi que les Français continuent de se faire plaisir au restaurant. Pour toutes ces raisons, l’année 2022 a été bonne même si le marché n’est pas encore revenu au niveau de 2019…
Vous avez même gagné 2,2 points de part de marché selon Food Service Vision ? Comment ?
P. P. : Nous faisons tout pour proposer le meilleur assortiment au meilleur prix et surtout pour qu’il soit présent (ou livré à temps). Face à l’un des grands enjeux actuels, la pénurie de produit, nous avons largement amélioré notre disponibilité en gagnant plusieurs points sur le sujet. Ensuite, nous sommes omnicanaux et accélérons sur la livraison. Je peux voir les produits ultra frais dans les halles, et en plus, je peux me faire livrer, avec une bonne qualité de service. Troisième élément de succès, tout ce que Metro offre comme services ; nous accompagnons nos clients sur le digital, le développement durable, l’emploi, la gestion de leurs finances… le renouvellement de leur cuisine avec des architectes, un SAV disponible 7 jours/7… Une palette unique sur le marché qui nous permet de devenir un vrai partenaire pour ces restaurateurs indépendants qui sont parfois isolés.
Quels résultats pour les 6 premiers mois 2023, et pour l’été ?
P. P. : L’année est très contrastée avec de grosses perturbations, notamment les grèves… Si les grandes tendances sont bonnes, avec des consommateurs qui fréquentent toujours la RHD ou le bon flux touristique, certains éléments impactent les résultats comme la pénurie de personnel : nos clients ouvrent en moyenne 1 jour de moins qu’avant (avec souvent 2 jours off), ce qui diminue les occasions de consommation. Après, comme Olivia Grégoire l’a dit, « oui on a eu du tourisme et oui, les Français sont partis en vacances » mais un peu moins en France. On peut ajouter une météo hyper capricieuse, le froid et la pluie dans certaines régions et l’ultra chaleur dans d’autres ce qui n’est jamais bon pour la consommation en RHD, surtout couplée avec la baisse du pouvoir d’achat. C’est pour cela que je parle d’une saison très contrastée… Les cessations d’activité sont d’ailleurs reparties à la hausse, on entend des chiffres de + 50 %, loin des niveaux de 2020 à 2022.
Comment aidez-vous les restaurateurs compte tenu du contexte fortement inflationniste ?
P. P. : Nous ne répercutons pas toutes les hausses de tarifs et notre opération « Achetez plus, payez moins » est toujours d’actualité, nous allons même monter en puissance. Nous sommes passés de 200 à 600 puis à 900 références et début 2024, nous serons à 1200 références. Ce ne sont pas des promos temporaires, ce n’est pas ce que cherche le client. Nous on leur dit, venez chez Metro, vous trouverez le meilleur positionnement du marché car on ne répercute pas toute l’inflation et en plus sur 1200 références (ce qui est énorme, un restaurant en moyenne utilise 600 produits), plus vous achetez, moins vous payez…
Cela passe aussi par le développement de vos marques propres ?
P. P. : Effectivement, nos marques propres pèsent 28 % de nos ventes, nous allons continuer à les développer jusqu’à environ 30 %. L’idée étant de proposer des marques de qualité à un prix accessible, développées et testées avec des chefs tout en gardant une grande majorité de marques nationales et de nos PME, pour un vrai choix.
Quelles sont les grandes tendances de l’offre chez Metro ?
P. P. : Nous avons des gammes bio mais ce n’est pas une offre qui rencontre beaucoup de succès, à l’inverse du local sur lequel nous commercialisons déjà une offre forte et que nous continuons à accroître. Nos halles ont mandat pour aller rencontrer des producteurs locaux et nous avons étoffé nos équipes achat en région. Sur le made in France, Metro est à contre-courant car malgré l’inflation, en 2022 et 2023, la part de l’origine France a continué à augmenter alors qu’en hors domicile à cause de l’inflation, son pourcentage reste faible. Ainsi par exemple, 80 % de la viande de boucherie en France est importée quand Metro vend 63 % de viande origine France. On veut tenir cet engagement pris avec nos partenaires, dans le cadre de la Charte Origine France. Ensuite, Metro, c’est du choix, le halal a une part significative en France, nous élargissons donc nos gammes en la matière. Enfin, nous misons aussi beaucoup sur le portionné, le prêt à cuisiner en produit brut du fait de la pénurie de main-d’œuvre ou du personnel moins expert dans la découpe, qui ne sait pas toujours comment lever des filets de poisson sans trop de perte ou découper une pièce de viande…
Nombre de vos halles ont été modernisées, où en est-on ?
P. P. : Depuis 3 ans, nous avons rénové 100 % de nos halles et implanté de nouveaux espaces d’accueil pour que nos chargés de relations clients puissent expliquer toute l’offre Metro et construire le projet du client avec lui dans des espaces individuels. Nouveaux meubles ou éclairages…nous avons rénové les halles pour moderniser la présentation de l’offre et pour un meilleur confort d’achat. Nous avons aussi changé nos systèmes de froid, pour que les produits soient conservés dans les meilleures conditions tout en baissant la consommation d’énergie de 40 %. Nous avons de plus investi sur la livraison avec nos plateformes logistiques qui sont maintenant accolées à un tiers de nos halles. Enfin, nous allons ouvrir en mars 2024 à Savigny, une plate-forme totalement dédiée à la livraison. Sur 12 000 m², elle permettra de livrer notre offre alimentaire aux restaurants d’Île-de-France.
Vous continuez de croire au commerce physique en parallèle de votre développement de la livraison ?
P. P. : Selon moi, le vrai modèle omnicanal qui marche c’est quand les halles, la livraison et le digital se développent en même temps. Chez Metro, la livraison ne cannibalise pas le physique ; le CA livraison pèse 10 %, celui des halles 90 % et plus je développe la livraison, plus je développe les halles : en 2022, un tiers de notre croissance vient de la livraison, 2 tiers des halles, et cela sera toujours le cas en 2023. Les clients qui nous découvrent à travers la livraison, découvrent aussi nos halles, et adorent le double service, voir les produits en vrai, trouver des idées, se faire conseiller… mais aussi pour les produits récurrents, se faire livrer.
Votre modèle est devenu multicanal, avec un fort investissement digital ?
P. P. : Gros événement, nous avons ouvert le 12 septembre à Roye notre market place non alimentaire. Nous avons aussi investi dans une plate-forme ultra-moderne de 18300 m², 100 % dédiée au e-commerce non alimentaire, avec un objectif de chiffre d’affaires de plusieurs centaines de millions d’euros d’ici 2030. Nous nous raccrochons à toute la technologie du groupe Metro, très en avance sur le e-commerce. Nous étions les premiers avec notre site internet en 2012, sur les gammes alimentaires, en 2019, nous lancions notre première market place et en 2023, nous redéployons notre site internet avec une offre encore plus large, un moteur de recherche plus rapide, des délais de livraison plus courts.
Il y a 5 ans, vous lanciez Dish, pour proposer des solutions digitales aux restaurateurs ?
P. P. : Réservation, vente à emporter, livraison, gestion de son point de vente…, la grande nouveauté est que désormais, nous commercialisons aussi via Dish, un module logiciel de caisse. 800 clients ont été équipés de cette nouvelle fonctionnalité, testée au printemps, et depuis, nous montons en puissance. Jusqu’à présent, tous les modules Dish se pluggaient sur la caisse digitale du client, maintenant, avec Dish, on peut tout faire. Cette caisse digitale a toutes les fonctionnalités modernes dont nos clients ont besoin, avec aussi des prix attractifs, pour que tout le monde puisse se digitaliser. Nous avons aujourd’hui une force de vente de 70 personnes spécialisées dans le digital, pour aller voir les clients, installer le matériel chez eux et faire du suivi. C’est rassurant, ils savent qu’en cas de souci digital, ils trouveront quelqu’un à qui parler.
Vous investissez largement dans une stratégie RSE, quelles sont vos ambitions en la matière ?
P. P. : Entre 2014 et 2030, Metro s’est engagé à baisser sa consommation d’énergie de 40 %, à date, nous sommes à -30 % donc nous sommes plutôt en avance sur nos objectifs. Nous avons re-signé avec Boralex pour 20 % d’énergie renouvelable solaire, nous avons aussi 20 % d’éolien. 52 % de l’énergie Metro viendra demain du renouvelable. Nous avons revu deux tiers de notre parc avec des lampes LED et nous avons recours à des gaz plus vertueux. On avance sur l’offre locale… nous embarquons nos 9000 collaborateurs et nos 400 000 clients dans notre programme RSE qui prend de plus en plus d’importance. Nous les salariés de Metro France, nous nous engageons à fournir aux professionnels les produits, les services et in fine, les moyens de faire les bons choix, ceux qui contribuent à la transition alimentaire, à préserver la diversité des terroirs…
Vous aidez aussi les restaurateurs à passer au vert ?
P. P. : Avec « mon restaurant passe au durable », nos clients peuvent se brancher sur un site qui leur établit un diagnostic et un programme pour progresser sur la durabilité de leur établissement. Il leur explique quelles actions mettre en place pour devenir de plus en plus vertueux au niveau du développement durable. Quand nos clients viennent en halles, ils peuvent être conseillés sur le sujet par le pôle services. Nous nous inscrivons donc dans ce côté holistique pour accompagner nos clients sur le long terme mais aussi sur tout l’amont. Nous avons aussi lancé notre test avec Pyxo sur la vaisselle réutilisable, c’est une expérimentation très audacieuse. On sait que cela ne sera pas spontané car cela représente des contraintes et de nouveaux enjeux d’usage pour les clients. Mais nous y croyons… Comme nous croyons que les perspectives 2024 sont positives pour Metro. Nous avons quantité de beaux projets…
» Propos recueillis par Pascale Benhaïem-Komlos
L’avis de Pascal Peltier sur…
La livraison ?
Nous développons la livraison et donnons les moyens à nos clients via Dish de la développer pour le client final. Mais c’est aussi de notre responsabilité d’engager nos clients à se déplacer dans nos halles, car les enjeux en termes de carbone et de pollution sont importants. Je tiens à une société dans laquelle les gens se rencontrent. Les halles Metro c’est un lieu unique, où nos clients peuvent se rencontrer, rencontrer les producteurs, nos équipes…
La pénurie d’emploi
Il est capital aussi que nos équipes soient bien formées sur la culture produit et clients. Nous souhaitons bénéficier d’une marque employeur très forte et développons beaucoup la formation. Nous sommes ainsi à l’origine d’un CFA, centre de formations diplômantes sur du bac + 3 à 5, de façon à former nos équipes sur les métiers de la vente et des produits… Nous lançons aussi notre académie des ventes car nous accueillons tous types de profils pour constituer la première force de vente du marché. Compte tenu de la pénurie de personnel, nous sommes prêts à accueillir des profils différents de ceux de la restauration et nous investissons pour les former.
Metro c’est
• 9 000 collaborateurs
• 400 000 clients
• 4,015 Md€ de CA en RHD en mai 2023