
En ces temps de crise sanitaire et économique, et dans le cadre de la préparation d’un n° spécial de B.R.A. Tendances Restauration sur les conséquences du Covid-19, nous publions en ligne une série de témoignages d’experts, de dirigeants et d’acteurs du secteur. Sentiment général, actions mises en place, avis et conseils : la restauration commerciale et son univers se livrent via notre magazine professionnel national. Propos recueillis par Anthony Thiriet
>> Aujourd’hui, échange avec… Roland Heguy, président confédéral de l’UMIH, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie
● Quel est votre parcours et pourquoi avez-vous rejoint l’UMIH?
Roland Heguy: Ma formation me préparait davantage à construire des hôtels qu’à en diriger ; mais ça fait plus de 45 ans que je suis dans l’hôtellerie-restauration, toujours à Biarritz dans mon Pays basque. Je me suis pris de passion pour ce métier et pour les hommes et femmes qui le pratiquent. C’est ce qui m’a donné envie de m’investir dans le syndicalisme

professionnel au début des années 80. Je me suis pris au jeu, d’abord avec des responsabilités locales, puis en tant que président de la fédération du Pays basque pendant plus de 20 ans. L’UMIH m’a élu président national des hôteliers en 2004 et, depuis 2010, elle m’a choisi pour être son président national, avec mon vice-président complice Hervé Bécam. J’ai toujours trouvé que c’était mieux d’avoir une position permettant d’agir sur les décisions qui touchent notre profession, plutôt que de se résigner à les subir.
● Qu’est-ce que l’UMIH et quels sont ses sujets de travail habituels?
R.H. : L’UMIH est un pôle de rassemblement d’entreprises ayant comme dénominateur commun les métiers de l’hôtellerie, des cafés-brasseries et de la restauration ; qui s’inscrit plus largement dans la filière du tourisme. En regardant à la fois le nombre d’entreprises adhérentes, le nombre de salariés qu’elles emploient et sa représentativité nationale, l’UMIH est la principale organisation professionnelle des CHR. Depuis

sa création, son objectif est de représenter ses adhérents auprès des pouvoirs publics, de l’opinion et des médias, tout en les accompagnant dans la vie de leurs entreprises. Ce dernier point se fait à travers des informations juridiques, sociales et fiscales, à travers des aides à la défense dans des litiges et, de plus en plus, à travers des services.
● Que retenez-vous de cette année si compliquée pour la restauration?
R.H. : 2020 restera une année de cauchemar pour la profession, qui avait déjà mal débuté avec les grèves. Le Covid-19 a vidé les CHR dès la mi-février. Le confinement a créé une sidération dans le secteur, comme ailleurs. Le déconfinement s’est fait avec une jauge réduite, dans le cadre du protocole sanitaire, et avec l’absence de touristes étrangers. Certains ont réalisé un bel été, qui ne compense toutefois pas les mois de fermeture… et de refermeture. Les établissements des grandes villes, surtout les hôtels, ont touché le fond ; beaucoup n’ont pas rouvert. À l’instar des discothèques, qui sont restées fermées depuis mars. Les traiteurs de l’événementiel sont eux aussi à l’arrêt. Le tourisme en général est sinistré. Les annulations de grands salons et autres événements et la mise en pause des voyages touristiques et professionnels participent à ce véritable marasme.
● Comment évoluent les choses depuis le second confinement d’octobre?
R.H. : Ce reconfinement fut le coup de grâce. L’enquête que nous avons menée avec les autres organisations professionnelles indique que 2 CHR sur 3 sont menacés de disparition. Nous allons vers des dépôts de bilan par dizaines de milliers. Pour l’instant, le chômage partiel, le PGE et le Fonds de solidarité assurent la survie. Mais les entreprises ont été

forcées de s’endetter ; et beaucoup l’étaient déjà. Elles sont à bout de trésorerie et ne pourront pas rembourser le moment venu. Le pire est à venir de ce côté, et je redoute vraiment 2021. Et les difficultés touchent tous les types d’acteurs, y compris les plus grandes entreprises ; certaines chaînes étaient d’ailleurs déjà en difficulté avant mars. Les plus petites structures, si elles ont des coûts fixes assez bas, notamment si elles ont acheté leurs murs, peuvent mieux résister que des entreprises ayant beaucoup de salariés, un gros loyer et des dettes importantes.
● Comment se positionne l’UMIH, depuis mars, face à cette crise unique?
R.H. : Nous avons considéré que si l’État nous obligeait à fermer, il devait compenser notre absence d’activité pour que nos entreprises, nos salariés et nos familles aient le moins possible à en pâtir. Nous avons notamment obtenu le chômage partiel sur 39 h et un accès plus ouvert au Fonds de solidarité. Nous avons élaboré un protocole sanitaire pour pouvoir rouvrir les cafés-restaurants… Nous l’avons renforcé fin septembre pour qu’ils puissent rester ouverts, alors que l’État les montrait à tort comme des propagateurs de Covid. C’est faux et humiliant ! Tout cela pour nous faire finalement subir une nouvelle fermeture, 1 mois plus tard ! Le Fonds de solidarité et le chômage partiel, c’est bien, mais ça ne remplace pas l’activité ! Une entreprise ne peut pas vivre longtemps comme cela. En outre, nous avons été trahis par les assureurs et, pendant les mois de fermeture, les loyers continuent d’être dus. Comment les professionnels du secteur pourraient-ils les payer en ayant travaillé 4 mois sur 12 ? Il est certain qu’à la réouverture, les dettes mettront des entreprises en faillite. L’UMIH et les autres organisations représentatives (GNI, SNRTC, SNARR, SNDLL, ndlr) partagent les mêmes vues sur la gravité de la situation. C’est l’un des rares points positifs pour notre profession ces temps-ci : nous travaillons ensemble, et nous avançons unis.
« Le pire est à venir du côté des trésoreries, et je redoute vraiment l’année 2021 » Roland Heguy
● Dans quel état d’esprit voyez-vous les restaurateurs aujourd’hui?
R.H. : Je vois de la colère chez presque tous, du désespoir chez certains. Ce sont des gens qui adorent leur métier, qui ne demandent qu’à travailler. Ils sont révoltés qu’on leur enlève la liberté d’entreprendre, surtout quand on voit les files de voitures devant les enseignes de snacking. La restauration à emporter est forcément mieux adaptée à la situation actuelle. Mais lorsqu’on est restaurateur indépendant, qu’on a une salle, des tables et des serveurs, la VAE n’est souvent qu’une activité d’appoint… et quand c’est l’unique activité autorisée, c’est du bricolage. Même si les restaurateurs traditionnels peuvent en tirer des leçons sur les nouveaux modes de consommation, ce n’est pas leur cœur de métier. La situation peut faire avancer leur digitalisation, mais ils ne basculeront pas pour autant dans le snacking, qui est un autre type d’activité. En outre, comme avant le confinement, on ne peut pas regarder passivement les intermédiaires prendre des commissions qui absorbent les marges…
● Sur quel point voulez-vous insister auprès de nos lecteurs ?
R.H. : Les entrepreneurs de notre profession doivent savoir que nous tenons un langage de fermeté au gouvernement pour que le « zéro recette = zéro charge » promis par le Président Macron soit une réalité. Notre demande, c’est « ROUVREZ LES ERP ET LAISSEZ-NOUS TRAVAILLER ! ».
Interview offerte à tous, à retrouver dans B.R.A. n°414 « Spécial Covid » (déc. 2020).
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