
En ces temps de crise sanitaire et économique, et dans le cadre de la préparation d’un n° spécial de B.R.A. Tendances Restauration sur les conséquences du Covid-19, nous publions en ligne une série de témoignages d’experts, de dirigeants et d’acteurs du secteur. Sentiment général, actions mises en place, avis et conseils : la restauration commerciale et son univers se livrent via notre magazine professionnel national. Propos recueillis par Anthony Thiriet et Didier Thomas-Radux
>> Aujourd’hui, échange avec… Grégory Chérel, responsable développement franchises restauration chez Progressium.
● Quelles sont les missions de Progressium et comment avez-vous vécu 2020?
Grégory Chérel : Depuis sa création en 2010, Progressium reste la seule agence spécialisée regroupant l’ensemble des services pour un développement en franchise: conseil à la structuration, communication, développement opérationnel du réseau de franchisés, recherche et négociation de locaux commerciaux et formation des encadrants du réseau. En 10 ans, nous avons participé à la création et au développement de plus de 400 enseignes en retail et en restauration. La crise que nous traversons a mis un stop à certains projets de lancement de réseaux de franchise, pour des concepts de restauration assise par exemple. Certains dirigeants préfèrent attendre d’avoir davantage de lisibilité. Mais pour beaucoup d’entrepreneurs, c’est un moment idéal pour travailler sur les outils de la franchise, leur digitalisation, la réorganisation des structures et des process internes, le développement de nouveaux concepts… Autant de projets sur lesquels nous pouvons intervenir. C’est aussi l’occasion pour beaucoup de patrons de réseaux de revoir leur modèle et d’externaliser certaines fonctions comme la communication, le développement, la recherche de locaux. Nous sommes encore plus présents auprès de nos clients, à qui nous pouvons fournir un benchmark grâce aux 40 enseignes que nous accompagnons pour le développement. L’activité ne manque pas, elle est même encore plus stimulante qu’avant et nous permet d’envisager des évolutions qui n’étaient pas imaginables début 2020.
● Plus globalement, quel bilan 2020 dressez-vous pour la restauration?
G.C. : Après un début d’année plutôt satisfaisant, avec beaucoup de projets d’ouverture, l’annonce du confinement fut un coup de massue pour les professionnels que j’accompagne. Sans remettre en cause la décision gouvernementale, ils n’ont pas compris l’immédiateté de celle-ci: seulement 4 h, un samedi soir, pour déloger les clients et fermer! On ne ferme pas un restaurant en tirant la grille et en donnant un tour de clé! Il y a des protocoles à suivre rigoureusement pour vider et nettoyer les sites afin d’empêcher les invasions de nuisibles par exemple, ou encore gérer les stocks. Ensuite, il y eut une période de flou avant que les décisions permettent finalement l’exploitation de la VAE et des livraisons ; qui n’étaient toutefois pas applicables à tous les concepts. Les réouvertures ont pu commencer en juin, souvent en tâtonnant. Pendant le confinement et jusqu’à septembre, l’activité a vraiment varié selon les endroits. Les aides de l’État ont été une bouée de sauvetage, et certains acteurs ont même plus eu d’intérêt à rester fermés qu’à maintenir une activité dégradée. Avec ses incertitudes quant à la date de sortie, ce 2e confinement fait craindre un fonctionnement par à-coups pendant une période longue ; ce qui sera impossible à supporter, économiquement et moralement, même pour de grandes enseignes…
« Cette période est aussi l’occasion pour beaucoup de réseaux de revoir leur modèle et d’externaliser certaines fonctions » Grégory Chérel
● Certains secteurs vous ont-ils semblé mieux armés que d’autres ?
G.C. : Les concepts de restauration rapide s’en sortent bien mieux que la restauration assise, d’abord parce que les clients sont réticents à manger sur place par peur des contagions, et parce qu’ils sont déjà équipés pour la VAE et la livraison. Mais gare à l’illusion du chiffre d’affaires! Quand on passe de 25% à plus de 50% de CA réalisé via les plateformes de livraison, on dégrade sa marge et son modèle économique. Les cartes peuvent donc être redistribuées de façon significative dans les mois à venir. D’un point de vue purement stratégique, il faut avouer que les aides de l’État peuvent avoir des effets différents selon la santé des bénéficiaires: ceux qui avaient une exploitation déjà tendue avant le confinement restent en grand danger, alors que les commerçants à la trésorerie confortable peuvent envisager l’avenir plus sereinement. Mieux: s’ils ont souscrit un PGE, ils pourront faire d’intéressantes opérations de croissance externe le moment venu.
● Quels seraient vos conseils, aujourd’hui, pour nos lecteurs CHR?
G.C. : Ils ont tout intérêt à se pencher sur ces 4 points:
¤ Le click & collect. Feu vert, car il a beaucoup de vertus : il maximise la marge, permet de gérer l’organisation du restaurant, maintient un lien direct entre le commerçant et son client…
¤ La livraison. Elle a permis pour beaucoup de restaurateurs de maintenir un minimum d’activité ; mais le nombre d’offres sur les plateformes ayant explosé, il est difficile d’y être visible. De plus, le CA réalisé s’obtient au prix d’une marge fortement dégradée, et le commerçant n’a aucun contact avec son client. Il ne maîtrise pas la relation avec lui et son image risque d’être dégradée en cas de mauvais service. Les concepts ayant conservé leur propre service de livraison profitent de cet avantage.
¤ La digitalisation. Elle est nécessaire, partout où elle possible. Mais si elle permet la proximité, elle ne génère pas de convivialité (à ne pas négliger par ailleurs).
¤ La communication directe. C’est probablement le nerf de la guerre actuellement : faire savoir à ses clients que les restaurants sont ouverts, qu’on peut les servir, que de nouveaux produits et services sont disponibles ; bref, que la vie continue. Les concepts s’adressant aux 15-35 ans, les plus connectés, sont privilégiés sur ce point en disposant d’un outil puissant que sont les réseaux sociaux.
Interview offerte à tous, à retrouver dans B.R.A. n°414 « Spécial Covid » (déc. 2020).
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