
En ces temps de crise sanitaire et économique, et dans le cadre de la préparation d’un n° spécial de B.R.A. Tendances Restauration sur les conséquences du Covid-19, nous publions en ligne une série de témoignages d’experts, de dirigeants et d’acteurs du secteur. Sentiment général, actions mises en place, avis et conseils : la restauration commerciale et son univers se livrent via notre magazine professionnel national. Propos recueillis par Anthony Thiriet
>> Aujourd’hui, échange avec… Thierry Morice, président du Groupement des Taverniers Réunis, dirigeant du restaurant La Taverne à Chambray-lès-Tours (37)
● Quel est votre avis sur la santé du secteur de la restauration commerciale?
Thierry Morice : La crise inédite que nous traversons impose humilité et écoute. Quand des facteurs exogènes nous empêchent de travailler, nous n’avons pas le choix. : il faut faire confiance à ceux qui nous gouvernent tout en veillant à défendre nos intérêts. Voilà ce que l’on peut dire en étant très factuel et sans polémiquer… Les aides gouvernementales ne sont pas négligeables avec le PGE et le chômage partiel, ce qui nous a permis de maintenir nos équipes. Mais il est clair que cette situation n’est pas viable à long terme. De nombreuses questions restent de surcroît sans réponses : Quid des assurances qui ne font pas jouer la perte d’exploitation? Quid du maintien des loyers des bailleurs? Un restaurateur n’a pas besoin d’aide ; il veut pouvoir vivre de son travail. Nous sommes prêts à continuer de travailler en respectant des règles sanitaires exigeantes, et nous avons déjà prouvé que c’était possible. Nos clients sont attristés par ce qu’il se passe. D’ailleurs, le dernier service du jeudi 29 octobre fut, pour moi comme pour mes collègues taverniers, fort en émotion : tous les clients ont eu un petit mot de sympathie et d’encouragement : «Tenez bon, nous pensons à vous, nous serons là à la réouverture…» J’avais le sentiment qu’ils étaient là non pas pour dîner mais avant tout par solidarité envers les restaurateurs. J’ai vécu ce moment la gorge serrée et les larmes n’étaient pas loin, mais ces témoignages d’affection et de soutien doivent être notre moteur.
« Nous voulons pouvoir vivre de notre travail » Thierry Morice
● Plus globalement, comment Le Groupement des Taverniers Réunis a-t-il vécu cette année?
T.M. : 2020 restera à jamais une année exceptionnelle pour les entrepreneurs et les collaborateurs de la restauration. Notre CA a connu une baisse d’environ 35%. Malgré tout, nous gardons foi en l’avenir car nous avons une clientèle fidèle, des collaborateurs engagés et une offre résiliente: carte variée, produits de qualité venant de nos régions, grande amplitude horaire… Nous avons mis en place, dès mars, des actions concrètes pour adapter notre offre : le click & collect, des cartes dématérialisées grâce au QR code et une communication de proximité avec nos clients (réseaux sociaux). Notre carte traditionnelle, désinfectée à chaque utilisation, a malgré tout été maintenue pour satisfaire nos clients réticents aux applications. De plus, des plexiglas ont été installés pour séparer certaines zones. Toutes les règles ont donc été respectées. Le digital est devenu le fer de lance de notre stratégie : nous avons digitalisé le cahier de contact pour limiter les risques de contamination et respecter les libertés individuelles, et nous travaillons au déploiement d’une application pour une lecture plus ergonomique de nos cartes. En outre, restaurateurs de notre réseau ont entrepris cette année une refonte de leur concept, tant sur le fond que sur la forme. Après 1 an de travail, les Taverniers ont privilégié l’écoute des clients avec des échanges riches et passionnants pour mieux se renouveler. Accompagnés de communicants, designers et architectes, les membres du Groupement des Taverniers Réunis ont imaginé La Taverne – Table de Caractère ; un concept déjà déployé par certains d’entre-nous, dont moi-même à Chambray-lès-Tours.
● Quels messages et/ou conseils souhaitez-vous adresser au secteur?
T.M. : Tout est question d’état d’esprit dans ce genre de situation. Nous ne devons pas baisser les bras. C’est le moment de tester de nouvelles offres, de prendre le temps de faire ce que nous remettions toujours au lendemain. Nous sommes fermés physiquement mais nous restons ouverts à de nouvelles expériences. Comme beaucoup d’entrepreneurs, nous avons de l’intuition et de l’expérience. Nous devons prendre du recul. L’agilité devient une valeur essentielle. En ce qui nous concerne, nous sommes fiers d’être le seul Groupement de restauration indépendant français, sur un modèle coopératif et associé. Nous offrons la liberté aux restaurateurs d’être indépendants tout en leur assurant un cadre : centrale d’achats, site internet, contrôles qualité, contrôles sanitaires, accompagnement à l’installation… Chaque Taverne est maître de son offre et de sa carte dans le respect d’une offre brasserie à la confluence des traditions et d’une modernité assumée à la Française. Tant que nous aurons des clients, nous vivrons ! Offrons des moments de convivialité et de sincérité, ainsi que de bons produits vendus au juste prix ; nous gagnerons ainsi tous ensemble! Fiers d’être restaurateurs, nous avons envie de donner du plaisir à nos clients! Et, en tant qu’entrepreneurs, nous avons un devoir de former les jeunes en salle et en cuisine et de maintenir l’emploi! La restauration est un moment de plaisir pour les clients, nous avons donc de beaux jours devant nous !
Interview offerte à tous, à retrouver dans B.R.A. n°414 « Spécial Covid » (déc. 2020).
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