
En ces temps de crise sanitaire et économique, et dans le cadre de la préparation d’un n° spécial de B.R.A. Tendances Restauration sur les conséquences du Covid-19, nous publions en ligne une série de témoignages d’experts, de dirigeants et d’acteurs du secteur. Sentiment général, actions mises en place, avis et conseils : la restauration commerciale et son univers se livrent via notre magazine professionnel national. Propos recueillis par Anthony Thiriet
>> Aujourd’hui, échange avec… Patrick Malvaës, président du SNDLL, le Syndicat National des Discothèques et Lieux de Loisirs.
● Pouvez-vous vous introduire et présenter votre syndicat?
Patrick Malvaës : J’ai 69 ans, j’habite dans le Bassin d’Arcachon. Licencié en Lettres et en Droit, je suis aussi diplômé de l’IEP Bordeaux et j’ai préparé l’ENA. J’ai finalement géré, pendant 42 ans, un établissement intégrant un hôtel, un restaurant (1 étoile Michelin) et une discothèque : La Guérinière à Gujan-Mestras (33). Je fus aussi maire-adjoint de cette ville de 21 000 habitants, et vice-président de la communauté d’agglomération jusqu’en 2020. Je préside le Syndicat National des Discothèques et Lieux de Loisirs (SNDLL) depuis 1977, c’est-à-dire depuis que je l’ai fondé il y a 43 ans. L’objectif, c’était de distinguer la défense des discothèques de celle des CHR et des débits de boissons. Nous voulions faire reconnaître le métier de la Nuit de façon spécifique. Le SNDLL se bat notamment pour obtenir le taux de TVA réduit, comme les établissements de loisirs culturels et récréatifs (parcs d’attraction notamment), ainsi que le statut d’intermittent du spectacle pour le personnel artistique (DJ, light J, etc.).
● Quelles ont été vos victoires, avant et depuis le Covid-19?
P.M. : Nous avons notamment obtenu la baisse du taux SACEM de 8,25% des recettes à 3% pour nos adhérents, la reconnaissance des horaires de nuit pour tous jusqu’à 7h, ou encore la mise en place d’une Convention collective spécifique (CCNALC) et d’une complémentaire santé et prévoyance spécifique. Le SNDLL est aussi à l’origine de nombreux acquis fiscaux devant les commissions départementales des impôts. Il défend les professionnels de la Nuit tous azimuts, et a notamment obtenu un référé pour combattre les fermetures administratives abusives. Cette année, nous avons négocié pour une réhausse des aides Covid-19, le Fonds de Solidarité ayant par exemple été porté à 15 000€. Le SNDLL compte aujourd’hui quelque 600 adhérents dans toute la France, y compris en outre-mer. Sa représentativité professionnelle a été reconnue par l’État en 2017.
● Comment le secteur de la Nuit a-t-il vécu le début d’année 2020?
P.M. : Les premiers mois furent plutôt bons et marquaient même la relance de notre secteur en pleine restructuration ; passé de 4 000 à 1 600 entreprises ces dernières années. Dès le début de la crise du Covid-19, le SNDLL a admis son inéluctabilité. Plutôt que de réclamer la réouverture «coûte que coûte» avec des protocoles sanitaires que nous jugions irréalistes et contre-productifs, nous avons sans cesse préféré négocier les aides matérielles les plus larges avec le Ministère de l’Économie, notamment avec les ministres délégués Agnès Pannier-Runacher (industrie), Jean-Baptiste Lemoine (tourisme) et Alain Griset (PME). Tout le monde s’est finalement rallié à notre position. Mais les fermetures des discothèques ont été considérées par beaucoup comme injustes et discriminatoires. La majorité des dirigeants comptaient sur une réouverture en juillet.
● La fermeture dure pourtant depuis 8 mois. Quel est l’état d’esprit de la profession?
P.M. : À la perte de revenus des dirigeants (à titre personnel, et pour honorer les charges fixes) se sont ajoutés la perte de la valeur des fonds, le risque d’une faillite personnelle en raison d’engagements financiers gagés sur le patrimoine personnel, puis le manque de lien avec les clients et le personnel. À partir de juillet, l’incompréhension fut totale pour les professionnels de la Nuit de voir toute la France devenir une immense discothèque ailleurs que dans les discothèques. Le gouvernement et l’ensemble du pays a pu ressentir leur sentiment de révolte désespérée. Le SNDLL a tenté de maintenir le meilleur dialogue possible avec les pouvoirs publics et d’obtenir davantage d’aides pour ses adhérents. Nous avons aussi documenté notre site Internet, actualisé chaque jour, qui est très soutenu et consulté par l’ensemble de la profession.
« L’appel de la fête l’emportera et le monde de la Nuit redémarrera. Mais il faudra revoir le modèle socio-économique, avec plus de professionnalisation et de diversification » Patrick Malvaës
● Comment le SNDLL et le secteur de la Nuit envisagent-t-il l’avenir?
P.M. : Nous préparons la suite en espérant une réouverture au printemps 2021 ; mais nous envisageons aussi une poursuite des fermetures au-delà de cette saison, au cas où le virus soit toujours très présent en France. Nous continuons donc à travailler sur les moyens de sauvegarder la filière (voir ci-dessous), notamment sur les problématiques de procédures collectives et de licenciements. Notre site Internet reste une source d’informations et d’accompagnement fiable. Dans cette période extrêmement difficile, nous sommes ravis d’avoir de bonnes relations avec d’autres syndicats dont le GNI et l’UMIH, mais aussi avec le gouvernement. Nous regrettons toutefois la lenteur de la mise en application des idées, et quelques dysfonctionnements avec les services. Globalement, le SNDLL et ses adhérents ont une impression d’un État encombré et parfois désorienté.
Je suis toutefois de nature très optimiste et je pense que si tous les professionnels nous font confiance, nous parviendrons à sauver notre secteur. Il est évident que l’appel de la fête l’emportera et que le monde de la Nuit redémarrera. Mais, comme pour l’ensemble de l’économie, il sera nécessaire de revoir le modèle socio-économique, avec notamment une plus grande professionnalisation et une diversification des activités.
● Quelles sont vos demandes toujours en cours auprès de l’État?
P.M. : Plusieurs dossiers sont encore ouverts. Nous demandons notamment :
◊ que cessent les problèmes techniques qui bloquent encore certaines demandes d’aide de façon injustifiée (couacs Régions/État) ;
◊ que soit enfin publié le décret sur les aides pour septembre, octobre et novembre, qui sont acquises mais ne sont pas encore mises en application ;
◊ une reconduction des aides pour décembre 2020 et le début de l’année 2021 ;
◊ des aides forfaitisées et non plus liées aux frais fixes, pour tenir compte de l’absence de rémunération des dirigeants ;
◊ des aides complémentairement pour les plus grandes entreprises, avec davantage de sources de trésorerie : nouveau PGE, prêts BPI/BDF, prêts participatifs ;
◊ que soit réglé le problème des loyers ; ce n’est pas normal de payer un loyer complet alors que les locaux ne peuvent pas être utilisés conformément à leur destination ! La clause résolutoire des baux doit être bloquée définitivement.
Interview offerte à tous, à retrouver dans B.R.A. n°414 « Spécial Covid » (déc. 2020).
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